vendredi 26 juillet 2013

Retour sur "la régression féconde"



L’article « L ’Egypte : entre le compromis stérile et la régression féconde » paru dans El Watan et Libération du 12 juillet 2013 a suscité des réactions, notamment de personnes à sensibilité islamiste qui n’ont pas apprécié que j’écrive que l’islam politique est incompatible avec les notions d’Etat de droit et de sujet de droit. Ceci a besoin d’être développé pour montrer que l’autonomie du politique, qui suppose l’Etat de droit, est le résultat d’un processus historique qui est à son début dans les sociétés musulmanes, engagées, malgré les apparences, dans le chemin de la sécularisation. D’une certaine façon, l’islamisme exprime une peur que la sécularisation fasse disparaître l’islam, ce qui est une peur sans fondement parce que l’homme est un être religieux. La sécularisation modifiera la forme traditionnelle et collective du vécu religieux mais ne fera pas disparaître la foi qui sera vécue à titre individuel. Entre-temps, les sociétés musulmanes vivent aujourd’hui une contradiction qui est au cœur de l’islam politique : d’un côté, il y a une aspiration à la modernité et au progrès social, et d’un autre côté, il y a une volonté de reconduire un vécu religieux incompatible avec le contenu de cette aspiration. 

Tant que les islamistes restent dans l’opposition, cette contradiction demeurera active, et sans eux, il n’y aura pas de transition démocratique. La seule voie est celle des urnes et de l’alternance électorale à travers laquelle ils perdront en popularité après avoir intégré les notions de sujet de droit et d’Etat de droit dans leur culture politique. C’est la thèse que je défends depuis plusieurs années et les réactions à mon article me donnent l’occasion  d’approfondir cette problématique en mettant en perspective la notion de « régression féconde », de l’interprétation médiévale de l’islam, de la question de la shari’a et enfin du rapport avec l’Occident.
A.   La « régression féconde ».
Le discours de l’islam politique, tel que formulé par les dirigeants islamistes, a été principalement forgé par Sayyed Qutb (1926-1966) et Abou el ‘ala Mawdudi (1909-1979), dont les écrits expriment une conception littéraliste de l’islam, c’est-à-dire une lecture hanbalite où les versets du Coran ont une seule signification. Par rapport à la riche tradition intellectuelle (8èm-12èm siècles) de l’islam, cette lecture est une régression dans la mesure où elle reproduit, en l’appauvrissant intellectuellement, l’orthodoxie sunnite construite par Ibn Hanbal (780-855) et Ghazali (1058-1111).  Chez Qutb et Mawdudi, qui ne sont pas des théologiens, mais respectivement professeur de littérature et journaliste, l’islam perd de sa spiritualité pour devenir une idéologie en concurrence avec le capitalisme et le socialisme dont il serait l’alternative. Ils sont en recul aussi par  rapport aux tentatives de réformes de Mohamed Abdou (1849-1905) et Abdelhamid Ben Badis (1889-1940) et par rapport aux acquis du mouvement national arabe qui avait un projet de modernité politique exprimé par Saad Zaghloul (1859-1927), Messali Hadj (1898-1973), Chakib Arslan (1869-1946), Michel Aflak (1910-1989), Habib Bourguiba (1903-2000), et plus tard Nasser (1918-1970) et Boumédiène1932-1978) au niveau du discours. M. Abdou et A. Ben Badis avaient conscience des causes historiques et de la profondeur du retard intellectuel des sociétés musulmanes sur l’Occident et invitaient à la maîtrise des sciences modernes tout en appelant à la réforme. M. Abdou avait émis vers la fin du 19èm siècle une fatwa pour rendre licite le taux d’intérêt dans la banque Misr qui venait d’être créée. Son commentaire du Coran était une invitation à utiliser la raison pour comprendre le texte sacré. Certes, ni Abdou ni Ben Badis n’ont souhaité la sécularisation de la société musulmane, mais leurs efforts ont porté sur la naissance d’une nouvelle théologie (‘ilm ettawhid) qui prenait en compte la dimension historique des sociétés. Ils ont échoué dans cette entreprise parce qu’ils n’avaient pas bénéficié de la présence d’une philosophie qui neutraliserait le vieux discours hanbalite dominant chez les oulémas. Il n’est donc pas étonnant que les islamistes critiquent M. Abdou, le plus grand théologien du monde musulman contemporain. Qutb lui reproche de recourir à la raison humaine, ce qui affaiblirait, selon lui, la Révélation divine. Said Ramadan el Bouty est allé encore plus loin, affirmant que Abdou a comploté contre l’islam pour plaire aux Anglais ! Qutb et Mawdudi reproduisent le discours hanbalite en le vulgarisant et en le mettant à la portée de la masse des croyants, répétant qu’il  suffirait d’appliquer le Coran pour restaurer la civilisation arabo-musulmane, comme si les générations du passé n’avaient pas respecté et appliqué le Coran. Ce qui est frappant chez eux, c’est l’absence totale de conscience historique, c’est-à-dire l’incapacité de réfléchir sur les causes historiques du déclin de la civilisation arabo-islamique. Ils ont culpabilisé les musulmans, les accusant de s’être écartés de l’islam, propageant un doute collectif parmi les croyants, les installant dans un état psychologique agressif dès qu’il s’agit de religion.
La pensée de Qutb et de Mawdudi, majoritaire dans l’islam politique, est l’expression de la pauvreté intellectuelle de nos sociétés, marquées par huit siècles de déclin et deux siècles de domination coloniale et néocoloniale. Mais ces sociétés sont travaillées par une contradiction profonde : d’un côté, elles sont prisonnières d’une lecture hanbalite du Coran, et d’un autre côté, elles veulent se développer, se moderniser, croyant qu’il suffit d’appliquer le texte sacré pour que tous les obstacles disparaissent par la magie du Verbe. Sous des gouvernements islamistes issus des urnes, les sociétés musulmanes déchanteront assez vite (10-20 ans) et se réveilleront à la réalité, donnant naissance à des citoyens qui seront acteurs de leur histoire. C’est cela la fécondité, la naissance d’une interprétation moderne de l’islam qui mettra fin au naql (imitation servile du passé) pour le remplacer par le ‘aql (créativité pour enrichir et dépasser le passé). L’exercice du pouvoir par les islamistes mettra fin à la domination du hanbalisme qui est une interprétation rigide de l’islam qui se nourrit du profond mécontentement social. Il se mettra en place une autre interprétation qui tiendra compte des réalités historiques, une interprétation moderne alimentée par les aspirations au progrès social et au développement et qui mettra fin au mode collectif du vécu de la foi au profit d’un mode privé. La foi ne disparaitra  car le Coran s’adresse à des consciences individuelles et non pas à des groupes. Cette sensiblité porteuse d’une interprétation moderne de l’islam est déjà présente dans le champ politique, mais elle est encore minoritaire et en gestation, et n’arrive pas à attirer une frange importante de l’électorat. Je fais allusion au parti Wassat en Egypte, issu des Frères Musulmans, et qui compte dans sa direction un copte. Ses textes idéologiques proposent une lecture du Coran qui intègre les notions de droits de l’homme et de liberté de conscience. Je citerais aussi le mouvement Rachad en Algérie, issu du courant islamiste Al Djaz’ara.   

B.    La persistance de l’interprétation médiévale de l’islam
Les sociétés musulmanes n’ont pas échappé au processus historique de la naissance de l’individu, et ont subi de profonds bouleversements sociologiques, y compris dans les représentations. Elles traversent une période de crise morale parce que la Nahda a échoué à réaliser le projet de réforme de modernisation de la culture religieuse. La Nahda est arrivée certes à affaiblir le soufisme, incompatible avec la conscience nationale, mais elle n’a pas substitué au hanbalisme une autre vision religieuse. L’islamisme est l’expression de l’ossification du hanbalisme qui s’est durci, proposant comme solution le retour au passé, aux salafs. Il faut rappeler que le concept de salafiya a été forgé par Ibn Hanbal lui-même, pour s’opposer à l’influence de la philosophie grecque introduite dans la culture musulmane par Al Kindi et les mu’tazilas. Le débat à l’époque avait pour enjeu une question philosophique. Pour les mu’tazilas, Dieu, en tant que maître de l’univers, est la cause première de la nature et de l’existence humaine, tandis que l’homme est à l’origine des causes secondaires. Pour l’orthodoxie, à l’inverse, Dieu est aussi à l’origine des causes secondaires. Par conséquent, pour ne pas irriter Dieu, il faut appliquer scrupuleusement ce qu’il recommande dans le texte sacré, d’où l’importance exagérée des ‘ibadates au détriment des mou’amalates. Nourris au hanbalisme, les oulémas expliquent que si les musulmans sont en retard, c’est parce que qu’ils se sont éloignés de la vraie pratique de l’islam. M. Abdou a essayé d’introduire la responsabilité de l’homme dans les causes secondaires dans son livre Rissalat Ettawhid, mais il n’a pas été suivi. Les islamistes ont préféré s’éloigner de lui, reproduisant un néo-hanbalisme réduit à sa plus simple expression.  C’est ce qui explique ce surinvestissement des ‘ibadates au détriment des mou’amaltes. L’espace public est alors envahi par la bigoterie qui cache mal l’agressivité et la dureté des rapports sociaux dans la vie de tous les jours.
L’islamisme appartient à une continuité culturelle du monde musulman, malgré les ruptures historiques que celui-ci a connues. Au lendemain de l’apparition de l’islam, deux conceptions du Coran se sont affrontées parmi l’élite lettrée. Celle de Ibn Hanbal, qui s’en tient à la lettre du texte sacré, et celle des mu’atazila qui marient révélation et raison. Après le 12èm siècle, l’élite religieuse a été gagnée par le hanbalsime tandis que la masse des croyants dans les villes et les campagnes était attirée par le soufisme. C’est ainsi que la philosophie a été défaite et bannie du paysage intellectuel musulman  dominé par le hanbalisme qui s’est radicalisé plus tard avec Ibn Taymiya et Mohamed Abdelwahab. « Mane mantaqa zandaqa » disait-on à l’époque.  Le hanbalisme n’était défié que par le soufisme vécu à travers les manifestations rituelles extatiques autour de saints qui se sont imposés comme des intermédiaires divins. Le soufisme a fait dériver l’islam vers le paganisme et le catholicisme médiéval et le hanbalisme l’a asséché de sa spiritualité et de son humanisme. C’est ainsi que la grande civilisation arabo-musulmane est entrée en déclin, en partie à cause des oulémas majoritairement hanbalites et d’une masse de croyants majoritairement soufie. Sous la colonisation, il y a eu la réaction salutaire de la Nahda qui a délégitimé et discrédité le soufisme confrérique, mais elle n’est pas arrivée à vaincre le hanbalisme qui s’est propagé dans les couches populaires de la société après les indépendances. L’islamisme est la version populaire du hanbalisme qui a occupé le vide laissé par le soufisme.
Transposé dans les nouvelles conditions historiques que nous vivons, le hanbalisme populaire établit un rapport marchand avec Dieu : « O Dieu, j’accomplis mes ‘ibadates et tu me promets d’aller au Paradis ! ». Cette interprétation fait aimer Dieu par intérêt ou par la peur de l’Enfer, alors que dans le Coran Dieu est miséricorde. Le rapport marchand avec Dieu pousse à la concurrence, comme dans tout marché, l’homme étant ce qu’il est. Chacun veut se montrer plus proche de Dieu pour recevoir des hassanates. Les hommes sont ainsi faits. La religion est venue pour leur rappeler le sens moral de leur existence et ils la pervertissent pour servir leurs intérêts égoïstes. Chassez le naturel, il revient au galop ! Ce n’est pas le Coran qui est en cause, ce sont les hommes qui l’interprètent selon leurs intérêts mesquins et étroits. Ceci est la matrice du terrorisme : on tue symboliquement pour Dieu, mais aussi physiquement pour Lui plaire et entrer au Paradis. En religion, dit T. Hobbes (1588-1679), « il y a toujours un pur plus pur qui épure ». Quelque soit la position extrême d’un religieux, il trouvera toujours plus extrémiste que lui. Après avoir connu les affres des interminables guerres de religions aux 16èm et 17èm siècles, les Européens ont eu la sagesse de faire de la foi une affaire privée qui relève de la conscience individuelle. D’où la séparation de la religion et de l’Etat qui profite et à la religion et à l’Etat. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est la fitna permanente. Faut-il rappeler que trois des premiers Califes, compagnons ou parents du prophète, ont été assassinés pour des raisons politiques ? Les assassins étaient convaincus qu’ils avaient la seule interprétation légitime du Coran.
La relation entre le texte (ici le Coran) et un lecteur n’est jamais neutre ; elle est chargée de subjectivité. L’homme projette sur Dieu inconsciemment ses propres qualités ou défauts. Dans la bouche d’un croyant à la psychologie belliqueuse, Dieu apparaît comme un gendarme strict et vindicatif ; dans celle d’un croyant bon, il apparaît comme bonté et miséricorde. Un homme haineux et brutal interprètera le Coran comme un code de conduite qui lui donne bonne conscience malgré son comportement en société. Le Coran n’est pas une table de multiplication où il y a un seul sens ; c’est un texte sacré qui se déchiffre avec l’herméneutique pour s’adapter à la culture et à la mentalité des différentes générations.
Les islamistes refusent l’herméneutique dont ils ignorent le fondement, mais avant eux, elle a été refusée par Ibn Hanbal, Ibn Taymiya (1263-1328), M. Abdelwahab (1703-1792), Sayed Qutb, Mawdudi… qui eux aussi citaient des versets du Coran où Dieu apparaît comme le gendarme de l’univers. Le problème est qu’ils n’ont pas compris que le Coran est porteur d’une éthique que différentes générations appliqueront en fonction de leurs mentalités et de leurs aspirations. Mais pour comprendre le Coran, texte sacré comportant une étique et une hygiène mentale, il faut avoir l’intelligence du cœur parce que la révélation divine n’a pas pour vocation de menacer les hommes et de les torturer psychologiquement durant leur existence sur terre. Elle est venue pour leur rappeler leur humanité et les valeurs qui fondent le lien social relatives à la justice et à la solidarité.   Le Coran est un texte sacré qui s’adresse à tous les hommes et à toutes les générations ; or, les représentations de l’homme changent au cours de l’histoire, et en premier la conception de la justice. Ce qui était juste au 7è siècle peut apparaître injuste aujourd’hui. C’est l’histoire. Les hanbalites (ahl enaql) ont toujours eu des problèmes avec l’histoire. C’est Dieu qui a voulu que l’homme soit un être historique ; ce n’est pas le Diable. Au 10èm siècle déjà, Al Hallaj (858-922), disait : il y a une manière d’obéir qui est la pire des désobéissances. Les hanbalites, de mon point de vue, obéissent au texte du Coran mais désobéissent à son éthique, c’est-à-dire à l’essentiel.

C.   La question de la shari’a
Dans la conception hanbalite, reproduite par les islamistes, la shari’a est un ensemble de règles juridiques immuables coulées dans l’acier pour l’éternité. Comment est-ce possible que le droit puisse être le même pour toutes les sociétés et pour tous les temps ? Il apparaît clairement que les islamistes ne connaissent pas ce qu’est la shari’a et ils ne savent pas que  le droit a pour fondement l’anthropologie de l’homme dans un contexte historique donné. Ils prennent la shari’a  pour un droit sacré, un droit canon ou divin, alors que c’est un droit positif religieux créé par les fouqaha sur la base de l’ijtihad. La shari’a est un droit humain dans lequel seules quelques règles proviennent du Coran. Les milliers de règles qu’elle contient ont été créées par les quatre écoles juridiques qui ont excellé dans l’ijtihad. Les islamistes ne retiennent de la shari’a que les hududs (amputation de la main du voleur), appliqués aujourd’hui uniquement en Arabie Saoudite à l’encontre d’immigrés yéménites qui volent pour manger. Et pourtant Omar Ibn Al Khatab (584-644), Omar el Haq, a suspendu les hudduds. Si les islamistes étaient ses contemporains, ils l’auraient certainement taxé d’ennemi de l’islam, de kafer.
Il y a deux choses à distinguer dans la shari’a : le corpus juridique créé par les fouqaha entre les 7è et 10èm siècles, et qui est aujourd’hui tombé en désuétude (à l’exception des règles sur le statut personnel), et il y a l’idéal de justice contenu dans le Coran. Quand le croyant demande l’application de la shari’a, il fait référence à l’idéal de justice contenu dans le message coranique. Il ignore les milliers de règles créées par les fuqahas aujourd’hui inapplicables parce que, entretemps, les mentalités ont changé. Dans son élaboration, la shari’a a été une construction intellectuelle rigoureuse qui renvoie aux fondements de la science juridique la plus élaborée de son époque. C’est une merveille de l’esprit humain, mais il faut cependant admettre que son contenu est dépassé parce que, entre-temps, les sociétés et les musulmans ont changé. Qui aujourd’hui accepterait que sa fille soit la seconde ou troisième épouse d’un homme ? Quelle famille shi’ite accepterait le zaouaj el mout’a (mariage de plaisir) ? A l’exception des règles provenant du Coran, la shari’a est tombée en désuétude et est inapplicable. Prenons l’exemple suivant. Une femme de 25 ans dont le mari disparaît un jour sans donner de nouvelles. Combien de temps doit-elle attendre pour se remarier ? Le rite malékite lui demande d’attendre 25 ans et le rite hanbalite 75 ans ! Pour l’époque, ce n’était pas choquant parce qu’elle serait prise en charge par son lignage (ses frères, ses cousins, ses oncles…), mais avec les conditions sociologiques d’aujourd’hui, même son frère aura des difficultés pour la recueillir dans un appartement exigu où sa famille est à l’étroit. En Algérie et au Maroc, la loi impose à la femme concernée un délai de trois ans avant de se remarier. En quoi cette modification a heurté la shari’a ? Au contraire, elle est allée dans le sens de l’esprit de justice de la shari’a en tenant compte des évolutions sociales. Les femmes musulmanes aspirent à vivre en famille nucléaire et cette aspiration est légitime et ne contrarie pas l’esprit de la shari’a. Par conséquent, par l’ijtihad, par la raison, par les progrès de la science juridique, par la référence à l’éthique du Coran, la shari’ doit être reconstruite en tenant compte des nouvelles conditions sociologiques, des changements de mentalités, de la liberté de conscience et de l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans la société musulmane moderne, la shari’a (dont la traduction est Droit) sera élaborée dans des Assemblées Nationales élues qui auront la légitimité politique pour faire des lois.

D.   Le rapport avec l’Occident
L’Occident est perçu par les islamistes comme un ennemi irréductible et comme le mal absolu. Il faut peut-être aller du côté de l’histoire mais aussi de la psychanalyse pour expliquer cette attitude. Dans le passé, les théologiens musulmans reprochaient aux chrétiens d’avoir déformé la parole de Dieu transmise par Jésus Christ qui est est un prophète de l’islam (Sidna Aïssa) porteur de la révélation divine. Les musulmans reprochaient aux chrétiens d’avoir déformé le monothéisme abrahamique qui avait été révélé par Abraham et Moïse (Sidna Moussa) à l’humanité. Si l’on s’en tient au Coran, l’islam continuerait le judaïsme et le christianisme en les rationalisant. La conception de Dieu apparaît plus abstraite dans le Coran qui affirme que « Dieu n’engendre pas, n’est pas engendré ». Avec le refus de l’intercession entre Dieu et les croyants (il n’y a pas d’Eglise en islam), c’est là la principale différence dogmatique avec le christianisme. Comparé à celui-ci, l’islam est une religion plus proche de la laïcité, plus proche de la sécularisation, du fait que l’islam exclut les miracles de l’eschatologie chrétienne. De ce point de vue, les musulmans sont des chrétiens rationnels ou des néo-chrétiens qui rétablissent le monothéisme abrahamique dans son abstraction métaphysique. Jésus Christ est en effet un prophète, mais il ne peut pas être fils de Dieu. Aujourd’hui, les islamistes reprochent à l’Occident de ne plus être chrétien et d’avoir rompu avec le monothéisme abrahamique. C’est le sens de l’accusation de Satan à l’endroit d’un Occident matérialiste qui aurait tourné le dos à la Révélation divine. Les islamistes ont un différend théologique avec l’Occident dont ils refusent la sécularisation, s’obstinant aussi à ignorer sa philosophie à laquelle l’averroïsme latin a indirectement contribué. Ceci ne disculpe pas l’Occident pour sa politique coloniale et néo-coloniale envers le Tiers Monde et pour son soutien inconditionnel à Israël. Les enjeux des conflits dans les relations internationales ne sont plus religieux mais économiques. Si par le passé, la puissance politique était puisée dans la foi collective, aujourd’hui, elle provient des ressources économiques. Les islamistes ne perçoivent pas que les Etats occidentaux donnent plus d’importance au marché, d’où ils tirent leur suprématie, qu’à la religion devenue entre-temps une religion civile fondée sur les droits de l’homme. Mais beaucoup d’Occidentaux, et aussi de nombreux musulmans, pensent que les droits de l’homme ne conviennent qu’à l’Occident. Et pourtant, du point de vue théologique, l’islam est plus proche du modèle de la religion civile de Rousseau ou de religion naturelle que le christianisme. 
Ma conclusion est que le monde musulman paie aujourd’hui la défaite de la philosophie symbolisée par un témoignage révélateur rapporté par Ibn ‘Arabi (1165-1240) dans un de ses ouvrages. Le cheikh Al Akbar, appelé aussi Ibn Flatoun (fils de Platon), dit avoir été attristé de voir à Marrakech, où il était de passage, le cadavre de Ibn Rochd (1126-1198) porté par un âne et sur lequel crachaient les badauds. Le corps du plus grand penseur du Moyen Age, du plus grand disciple d’Aristote qui a égalé son maître, a été donné en pâture  à une foule aliénée par le hanbalisme. Cette scène à elle seule explique la décadence ultérieure et plus tard la domination coloniale ainsi que l’avènement d’Etats postcoloniaux autoritaires et corrompus. Tant que la bulle hanbalite et islamiste n’a pas éclaté, les musulmans seront plus proches de la chrétienté médiévale que de l’islam, religion civile et naturelle.


37 commentaires:

  1. merci Mr Addi pour cet écrit
    puisse-t-il etre compris et puisse-t-il éclairer les personnes de sensibilité islamiste

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  2. je ne crois pas que l’œuvre de IBN HANBAL et IBN TYMIA soit réduit au strict copieurs et diffuseurs texte sans sémantique ni contextualisation comme vous dites cette projection est trop simpliste à mon sens. Bien que cet article m'a ouvert les yeux sur beaucoup de d’éléments.

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    1. Bonjour Anonyme,


      Je ne sous-estime pas la pensée de Ibn Hanbal ou de Ibn Taymiyya. Ibn Hanbal est l'un des plus grands théologiens du Moyen Age. Dans 300 ans on parlera encore de Ibn Hanbal qui a marqué l'évolution de l'islam,; dans 20 ans, on n'entendra plus parler de Lahouari Addi.Ceci dit, comme Platon ou Aristote en philosophie, son épistémé ou sa grille de lecture de la société n'est pas la nôtre. L'islam a besoin aujourd'hui d'un Ibn Hanbal qui aura lu Descartes, Kant, Hegel et Marx et dont il ferait la critique. C'est ici que réside la crise de l'islam. D.AL Afghani souhaitait un Luther et on a eu des Ibn Taymiya en miniature et en moins cultivé.

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  3. Votre théorie ou votre approche sur l'islamisme politique est une réalité qui n'en fini pas de ressurgir à chaque fois que les politiques bloquent les islamistes à aller au "charbon" comme on dit. J'avais déjà eu connaissance de votre approche dans les années 90, et personnellement j'adhérais corps et âme à cette théorie. Vous aviez eu, Monsieur Addi plus de bon sens que les génies politiques de l’époque. Vous estimiez que l’expérience d’un gouvernement islamiste (FIS), respectant l’alternance électorale, aurait aidé les Algériens à réaliser que le discours religieux, aussi généreux et moralisateur soit-il, ne peut résoudre les problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. C’est le processus par lequel l’utopie islamiste dépérirait au contact de l’exercice du pouvoir. C’était un défi à réaliser. Mais, le courage manquait ces temps là, à nos hommes politiques !
    Ce qu'on voit aujourd'hui, et une mauvaise copie ou une copie altérée de ce qu''on fait nos dirigeants de l'époque. Cette fois-ci, ils disent : "on ne fait pas en Algérie". Mais, ils ne vont pas jusqu'au bout de leur audace! En Tunisie, les islamistes sont constamment chahutés par les opposants et accusent les opposants de leur mettre les bâtons dans les roues. En Egypte, le même scénario est mis en branle avec l'aide des militaires et une mise à l'écart du président alors qu'il était dans logique descendante. Ces deux expériences nous auraient sûrement mieux renseigner sur les capacités des islamistes à régler les problèmes de la vie courante des gens. Mais, c'est tout comme...

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  4. Bonsoir,

    Lahouari Addi,vous devriez penser à traduire à l'arabe vos travaux et particulièrement tout ce que vous avez publié au sujet de la régression féconde . De nombreux islamistes,ne sont pas obligatoirement francophones . Je suis persuadé qu'une traduction pourrait les éclairer . Merci et bon vent

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    1. Les islamistes n'aiment pas la théorie de la régression féconde. Ils considèrent que l'auteur de cette théorie les sous-estime en disant que le discours religieux, aussi généreux et moralisateur soit-il, ne peut résoudre les problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. C’est le processus par lequel l’utopie islamiste dépérirait au contact de l’exercice du pouvoir. Pour eux, c'est considéré comme un blasphème. Dans la tête des islamistes, le pouvoir civile détenu par les islamistes est une offrande de Dieu et qu'il n'y a que Lui qui peut le reprendre ... Voilà, pourquoi les gens ont peur de les laisser prendre le pouvoir.

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    2. Bonjour Charles Stone,


      Il faut débattre avec les islamistes parce que la majorité d'entre est sincère et croit que la religion est la solution des problèmes sociaux, politiques et économiques. Par l'expérience, par les échanges, par l'alternance électorale, ils évolueront vers le réalisme, c'est-à-dire la prise de conscience que c'est plus compliqué qu'ils ne le pensent. Le politique est une construction historique et nos sociétés sont en train d'apprendre la séparation du politique et du religieux. Cela se fera dans la douleur, mais cela se fera.

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    3. Bonjour Lahouari Addi,
      Je suis tout à fait d'accord avec toi sur la nécessité de débattre dans la sérénité sur le projet de société et construire ensemble notre société sur la réalité des faits. C'est vrai que la prise de conscience de nos islamistes sur la notion de séparation du politique et du religieux est très difficile à "ingurgiter" mais cela viendra par l'expérience sur le terrain. C'est dans cette logique que j'admets que la régression féconde est une théorie certes douloureuse mais en fait de compte nous construirons, sur des bases logiques, avec nos contradicteurs, une société civile.

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  5. Bonjour Ahmed Amokrane,


    Comme beaucoup d'universitaires algériens de ma génération, je lis en arabe mais malheureusement je n'écris pas. Je serais ravi qu'un lecteur bilingue de ce blog traduise ce texte pour le verser dans le débat politico-culturel.

    Cordialement


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  6. Bonjour, que voulez-vous dire par "Le soufisme a fait dériverr l'Islam vers le paganisme et le catholicisme médiéval"?

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  7. Bonjour Mounadil,


    Le soufisme de Ibn 'Arabi est une spiritualité mystique qui provient des profondeurs de la conscience du croyant. Lorsqu'il s'est popularisé et a gagné les masses, il est devenu un maraboutisme qui, par certains excès, a dérivé vers le paganisme et le catholicisme médiéval. Dans le premier cas, l'adoration de tombeaux de saints s'est généralisée, ce qui est une survivance du paganisme; dans le second cas, les marabouts sont devenus des intercesseurs entre Dieu et les fidèles, ce qui est le modèle du catholicisme médiéval. Le hanbalisme avait raison de condamner ces déviations, mais par ailleurs, le hanbalisme a interdit de penser. Il fallait juste apprendre par coeur le Coran et le réciter comme un perroquet. Cela a porté atteinte à la civilisation musulmane réduite à des rites.

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  8. ce qui est bizarre c'est que apres la mort de Ibn Rochd, le juif moise maimonide qui a prit connaissance de ses écrits (d' Ibn Rochd), a reussi a modeler la societe occidentale pour qu elle puisse accepter les juifs qui etaient leur ennemis au paravant car ils ont manipule les romains pour tuer Aissa aleyhi salam

    ils ont fait la revolution francaise pour detruire le catholicisme comme ils ont fait la revolution bolshevique pour detruire l eglise orthodoxe en russie

    et maintenant ils essayent de detruire l islam en creant des conflits comme sunni, chiite ou hanbali, soufi ou hanbali, philosophe ou soufi, philosophe ou aql. naql ou dahir, batin mais il ne faut pas oublier qu Allah nous a demande d etre au milieu de toutes ses tendances extremistes qu elles soient purement materielles, spirituelles ou philosophiques

    jaalnakom oumaten wassant li takounou chouhae ala nass





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  9. Bonjour Anonyme,


    Votre message est effrayant. Vous survolez vingt siècles d'histoire en désignant les juifs comme les responsables de la mort de Aïssa, de la révolution française, de la révolution bolchévique et des tourments dans lesquels se trouvent les pays musulmans. L'une des causes qui fait que nous sommes aujourd'hui parmi les derniers, c'est ce refus d'étudier l'histoire. Je voudrais vous rappeler deux choses. La première est que Maïmonide est un grand philosophe du Moyen Age et il appartient à la brillante civilisation arabo-islamique. L'islam n'est pas anti-sémite. Pour le Coran, les juifs sont Ahl el Kitab. Le différend avec les juifs date du 20èm siècle et il est politique: il s'agit d'Israël qui est un Etat colonial. Allah yehdina ou yehdik.

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  10. Dans la théorie de la régression féconde, on ne sait pas si l'on a affaire au savant ou au politique. Le savant a sans doute raison, mais cela est-il suffisant pour que le politique en déduise qu'il faut laisser les islamistes gouverner. Il me reste 20 ans à vivre, et je n'ai pas du tout envie de les passer sous un régime islamiste, aussi parfait soit-il.
    Ne pensez-vous pas que la théorie de la la régression féconde véhicule, au regard des conséquences pratiques que vous en tirez, une conception par trop "linéaire" du déroulement de l'Histoire? (Samir)

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    1. Je crois qu'il vaut mieux que les messages ne soient plus anonymes. Le débat est public et les intervenants doivent avoir des noms.
      Vous me flattez lorsque vous m'attribuez le qualificatif de savant, mais j'ai toujours considéré que l'objectif d'un universitaire est de répandre la culture scientifique dans la culture politique de la société. La société algérienne est hostile aux sciences sociales et c'est ce qui nous pousse à nous réfugier vers le passé au lieu de nous connaître pour être inventifs. Un intellectuel est celui qui travaille pour mettre les connaissances à la disposition des gens.

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  11. mustapha amarouche30 juillet 2013 à 16:32

    Cette théorie de la régression féconde est empreinte d'angélisme. Considérer que l'expérience de la gestion par les islamistes permettra leur discrédit est aller vite en besogne. Les islamistes, partout où ils prennent le pouvoir, créent les conditions de leur permanence, notamment pas les programmes scolaires et par la répression féroce de toute opposition. C'est depuis 1979, soit 34 ans, que les adeptes de Khomeiny sont au pouvoir en Iran, ils sont toujours là, en dépit de la régression vertigineuse qui est à ce jour inféconde! les islamistes pervertissent la démocratie dont ils font un outil politique pour arriver aux commandes. En Égypte, ils n'ont pas encore fait main basse sur l'armée. Je pense aussi que vous donnez une lecture très volontariste de la sharia. la sharia serait donc un programme modulable selon les générations! malheureusement, les peines coraniques sont énoncées clairement dans le coran. Il faudra trouver une autre approche pour délégitimer cette survivance de la barbarie qui consiste à couper les mains et les pieds. La régression féconde est alliée objective de l'islamisme, car elle participe à donner de fausses assurances. -Tenez le coup, c'est juste un mauvais moment à passer-. Il n y a qu'une vie, Mr Lahouari. les peuples vivant dans la dictature obscurantiste de la sharia perdent leur vie d'ici bas. La démocratie en terre d'islam ne pourra se faire qu'en écartant la religion du champ politique, en soustrayant l'école à l'obscurantisme. Les journalistes, les intellectuels ont un devoir de lucidité devant l'histoire.

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    1. Bonjour Mustapha,


      Les sociétés ont une histoire. Nous sommes dans le processus de construction de l'Etat moderne qui sera forcément Etat de droit. Nous passerons par des expériences, parfois douloureuses, et nous apprendrons. Les islamistes évolueront forcément s'ils veulent continuer d'exister. Vous dites : il y a une vie. La vôtre qui, probablement,ne dépassera pas cent ans. Mais la vie de la société, c'est plus long que cela. L'échelle de temps d'un individu et celle de la société ne sont pas les mêmes. Il y a alors un choix simple à faire: soit partir en Suède pour finir tranquillement votre vie, soit vous restez en Algérie pour vous battre pour que vos enfants ou petits-enfants vivent dans une société moderne qui respecte les droits de l'homme et la liberté de conscience.
      Quant à l'Iran, Khomeiny a pris le pouvoir par la rue et non par les élections. C'est une grande différence.

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  12. Les islamistes au pouvoir par les urnes ou la force, c’est la guerre civile et la désintégration totale du territoire du pays : Afghanistan, Somalie, Soudan et Palestine, c’est déjà fait; Lybie, Irak, Syrie et Égypte (et peut-être même Turquie) en cours de l’être. Je vous conseillerais M. Addi de revoir votre théorie de la régression positive dans le cadre dynamique de l’évolution du monde, c’est-à-dire de tenir compte des facteurs externes, des forces exogènes (impériales) qui exploitent directement ou indirectement tout événement pour remodeler la géographie et les composantes ethniques dans le sens des intérêts des nations puissantes. Ces dernières jouent sur les différences des musulmans et leur esprit borné pour les occuper avec des guerres confessionnelles éternelles jusqu’à l’autodestruction. Les Occidentaux en général et les Britanniques en particulier savent bien que la meilleure façon de renvoyer les musulmans à l’âge de la pierre taillée, c’est de laisser les islamistes gouverner. En plus toutes les puissances actuelles du monde (USA, Europe, Russie, Chine, Inde, etc.) n’aiment pas les musulmans et feront tout pour les détruire, parce qu’ils savent très bien que l’Islam ne tolère aucune autre croyance.
    Ce qu’il faut à mon avis aux pays musulmans, c’est une dictature progressiste, et réellement progressiste pour imposer la discipline et développer l’esprit cartésien chez les générations à venir. Le changement vient par l’école et non pas par les urnes. Les pouvoirs postindépendance du monde « arabe » ont abruti les masses en livrant trois générations entières à des fanatiques religieux. Les chaînes satellitaires des pétromonarchies ont fait le reste. La religion et la science ne font pas bon ménage. Il faut laisser le Coran de côté et cesser de mentir à soi-même, car la véritable interprétation du Coran est belle et bien celle des Hanbalites des Ghazalites.

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    1. Bonjour,


      La dictature progressiste a été tentée par certains leaders comme Nasser et Boumédiène et c'est un échec retentissant. Le mal culturel chez nous est plus profond. Il faut aller vers le bloc chirurgical avec la régression féconde à l'issue d'élections démocratiques. Nous vivons dans un déni de la réalité. Les disciples de Ibn Hanbal gouverneront 5 ans et nous passerons aux disciples de Ibn Rochd. Je schématise mais c'est la réalité qui va réveiller nos société. L'autre solution, c'est le blocage avec les militaires et la corruption.

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    2. Vous avez tort si vous considérez que les regimes de Boumediene et de Nasser étaient progressistes. Notre malheur a commencé avec Boumediene et Ben Bella et leur politique d'arabisation et de réislamisation du pays. Il nous faut un Attaturk. Il nous faut nous débarasser de nos complexes vis-à-vis des peuples du Moyen-Orient et de créer l'école républicaine.

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  14. ORAN avenue cheikh Tebessi
    "le FIS joue et gagne"
    "le FIS joue et perd"
    le titre de ton article a changé entre dix huit heures et le lendemain huit heures; j'en suis témoin; c'était la veille d'une longue nuit qui dure encore et qui malheureusement s'épaissit.
    ta contribution à ce débat fondamental est incontestablement de grande valeur; mais au delà de la litote il faut déjà que le lecteur ait envie de discuter et de comprendre; or il y a aujourd'hui autant de musulmans que d'ijtihad et chacun a refermé la porte et s'est retranché derrière sa certitude , son égoïsme et la défense de ses intérêts.
    il n'y a, à terme, plus d'Etat ni islamique ni encore moins musulman , mais seulement un conglomérat de plus en plus faible d'individus lâches. Ca fait les affaires de qui.....?

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    1. Bonjour,


      Il faut me rafraichir la mémoire en me donnant votre nom. Je ne me rappelle pas avoir changé d'avis sur les élections remportées par le FIS en décembre 1991. Tous mes écrits de l'époque en attestent.Quant à une discussion entre nous, c'est autre chose.

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  15. Bonjour Monsieur Addi,

    En premier lieu, je vous remercie infiniment pour cet article ingénieux qui m' a trop donné.
    J'ai remarqué que vous avez parlé des partis politiques dans les pays (comme l'Algérie et l'Égypte) qui ont une lecture qui,à vos yeux, est une lecture rationnelle. Pensez vous, monsieur, à Hassan Al Banna?
    Deuxièmement, en Occident , principalement en France, Tarik Ramadan se voit redorer le blason de l'Islam , je souhaite savoir votre avis sur cela.
    Troisièmement, nous vivons dans le monde où l'internet a remplacé le livre, où la pensée d'un grand philosophe peut être vu en 10 mn de Youtube. dans cette optique particulière, ne croyez-vous pas que, dans les médias de nos jours, l'Islam est devenus comme une bosse sur le dos de chacun de nos que la majorité (surtout les intellectuels) cherche à s'en débarrasser car l'équation est validée comme "objet nocif aux peuples".
    MERCI
    Masgava, Université de Tizi Ouzou

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    1. L'article du professeur Addi est pertinent à plus d'un titre.Ceux qui sont habitués à lire les contributions de M. Addi vont se rendre compte que l'auteur est restée dans la même approche de la réalité politique arabe.C'est cette approche qui, enrichie par un suivi politique et une réflexion du vécu des sociétés musulmanes,lui a permis de construire une nouvelle pensée arabe, qui n'est pas certes partagée, mais que je trouve importante, parce qu'elle arrive à bousculer certains paradigmes qui ne permettent plus d'expliquer et de comprendre les musulmans dans leur rapport avec la religion.
      Bien que plusieurs auteurs ont essayé d’étudier l'islamisme, je crois que l'article de M. Addi vient de nous éclairer sur la problématique de l'islamisme avec clarté en situant cette idéologie dans le vécu des peuples musulmans et ses effets sur leurs destins politiques.
      Etant donné la pertinence de cet article, j'invite tous les intellectuels à le lire et participer au débat.Tous mes remerciements à M. Addi pour sa contribution. Mansour.

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  16. Samir Bellal se demande s'il est nécessaire au sociologue de retourner jusqu'à Ibn Hanbal... pour appréhender les dynamiques sociales de notre pays.

    La question est légitime mais il faut savoir que les représentations sociales, par lesquelles nous appréhendons le monde, sont un objet de sociologie. Ce sont les représentations qui nous disent ce qui est juste et légitime et ce qui ne l'est pas. En tant que sociologue, j'ai remarqué que l'islam politique est une représentation sociale qui prend sa source dans l'histoire culturelle de la société musulmane. Ibn Hanbal est le théoricien de l'interprétation littéraliste de l'islam qui domine chez les oulémas et les masses. L'islamisme est dans cette continuité. Ouvrir le débat est important pour la communauté et pour la modernisation du vécu religieux dans le respect de l'esprit du Coran. L'histoire des idées fait partie de l'histoire des hommes.

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    1. Professeur Lahouari
      Vous dites :« Ce sont les représentations qui nous disent ce qui est juste et légitime et ce qui ne l'est pas...par rapport à l'histoire des idées ou à l'histoire tout court des hommes ». Je vous ai posé la question suivante sur LQA, mais je crois que vous ne l'avez pas noté : Est ce que les musulmans en général, devraient-ils reprendre le chemin naturel de la paix et du progrès à partir du carrefour où Averroès et Maimonide se sont quittés à jamais ? N'était ce pas à ce moment que les musulmans avaient perdu le « sésame » de l'érudition et de la raison raisonnante ?
      Roger Said.

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    2. Bonjour Roger Said,


      Les musulmans sont en train de construire leur modernité et cela se passe, comme en Europe, dans la violence. Ou en moins pire. L'Europe a connu depuis le 16èm siècle des violences inouïes jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. La situation est plus compliquée pour les pays musulmans parce que l'Occident intervient de façon pernicieuse. Par ailleurs, les musulmans ne seront jamais en paix avec l'Occident tant que la question de la Palestine n'est pas réglée de façon définitive. L'Occident a fait beaucoup de mal au monde arabe à travers la colonisation et les accords Sykes-Picot de 1916. Il a aussi européanisé les juifs indigènes (en Algérie le décret Crémieux scélérat) et en a fait un ennemi politique alors qu'ils étaient une partie vivante de la société musulmane malgré la différence religieuse. C'est facile ensuite de venir dire que les musulmans doivent retrouver le chemin de la paix. Avec qui? C'est facile de dire que les dominés sont violents et intolérants. Les pieds noirs d'Algérie, notamment les colons, disaient la même chose.

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    3. Si l'occident intervient de façon pernicieuse, c'est parce qu'il a toujours profité de l'ignorance des musulmans depuis 8 siècles.
      Roger Said

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  17. Un internaute s'étonne que je dise que les régimes de Nasser et de Boumédiène étaient progressistes ou en avance par rapport aux islamistes. J'avais bien précisé qu'ils l'étaient au niveau du discours. Nasser et Boumédiène avaient pour objectif de développer et de moderniser leurs sociétés, mais ils ont échoué parce qu'ils portaient en eux-mêmes les limites idéologiques de leurs pratiques. J'ai beaucoup écrit là-dessus sur l'Algérie. Je vous renvoie à mes travaux disponibles sur ce blog et aussi mon livre "L'impasse du populisme". En résumé, sur le plan du discours, l'islam politique est en recul par rapport aux régimes de Nasser et de Boumédiène.

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  18. Très sincèrement, je suis subjugué par la présente contribution de Addi Lahouari....je trouve qu'il fait oeuvre utile, meme s'il n'explique, de manière irréversible, sa fameuse formule lors de l'avènement de l'islamisme radical en Algérie...avec cet article, il met fin à une brouille qui n'a que trop duré et qui n'a que trop divisé....désormais tout s'éclaire...merci mille fois selon la bonne formule de Gilbert Meynier! Aziz MOUATS

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  19. BONJOUR MON AMI. C'est clair, magistral and ... "to the point". Quel plaisir de te lire.
    Abbes BAHOUS, Mostaganem

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  20. Bonjour Abbès,


    Heureux d'avoir de tes nouvelles. Je te contacterais la prochaine que j'irais à Oran.


    Lahouari

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  21. Bonjour Monsieur ADDI

    Vous avez évoqué la shari'a, qu'en est il de la sunna dans laquelle puisent les islamistes leurs fatwas, qu'en faire actuellment?

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  22. Bonjour M Addi

    Je suis musulman et croyant,et je souhaite une séparation de la religion et de la politique .
    Ma question est qu'il y ait une lecture hanbalite ou autre de l'Islam ne changera pas les choses fondamentalement, puisque on restera dans le dogme et les limites de l'hérésie.
    Ne pensez vous donc pas que chercher de réformer l'Islam de l'intérieur est illusoire?

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    1. Bonjour Khalifi Djamal,


      Je réponds à vos deux questions.
      1. Ce qui est appelé la sunna en islam est la Tradition supposée être fidèle à la pensée et au comportement du prophète. On n'oppose pas sunna à shari'a puisque celle-ci déclare être conforme à la sunna en-nabawiya. On oppose pourtant la sunna au chi'a, ce qui est contestable parce que la divergence entre sunnites et chiites est politique et non religieuse et trouve sa source dans la succession du prophète. Les chiites ne remettent pas en cause la prééminence du prophète Mohamed, même s'ils donnent à Ali une place plus importante par rapport aux autres califes.

      2. Il ne s'agit pas de réformer l'islam de l'intérieur; il s'agit de réformer les sociétés musulmanes qui sont aujourd'hui dans un marasme culturel qui ne leur permet pas de produire une interprétation moderne des textes sacrés. Une société culturellement avancée aura une interprétation moderne de la religion, et inversement. Les élites qui prétendent parler au nom de l'islam et détenir sa Vérité ne connaissent pas l'histoire. Par conséquent, le problème n'est pas la religion; le problème, c'est nous et principalement notre enseignement qui nous empêche de connaître notre passé. Nous sommes dans le mythe.

      Cordialement

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  23. Dans les sourates du coran il y a toutes sortes de métaphores, d’allégories ou de figures de style qui confèrent au texte la souplesse d’interprétation et procurent une aisance et une facilité d’adaptation au contexte considéré.

    Les textes sacrés de toutes les religions sont l’objet d’interprétation subjectives à la base de divergences doctrinales et d’antagonismes conduisant parfois à des règlements de comptes politiques sanglants et meurtriers.

    Est-il nécessaire de rappeler la richesse de l’actualité mondiale en événements, conflits et autres enjeux de pouvoirs où des lectures religieuses tendancieuses et partisanes servent de paravent à de sombres desseins ou d’obscurs objectifs.

    Apanage d’érudits, l’exégèse en islam est une chasse gardée d’une caste savante et éclairée, composée d’initiés en arabe et en mystique de la “langue de dieu”.

    Cette caste a élaboré le dogme, son discours et sa rhétorique destinés à un public de profanes (souvent non instruits, illettrés ou analphabètes (en langue arabe)….), terreau fertile, particulièrement propice à toute sorte de mystifications et d’impostures.

    Stratagème ou subterfuge éprouvé en Europe à l’avènement de l’imprimerie et les débuts de la publication de masse d’ouvrages et de manuscrits; l’église pour perpétuer sa domination interdit par une Loi du XV siècle toute LECTURE non latine de la bible:
    “Quiconque lit les Ecritures dans la langue maternelle, est déchu de la terre, du bétail, de la vie et des biens de leurs héritiers pour toujours, et ainsi être condamné comme hérétique à Dieu, ennemi de la couronne, et traître le plus fieffé de la terre.”

    La première année après sa promulgation, 39 personnes, ont été pendues puis brûlées sur l’échafaud.

    Aux siens et à son peuple, Descartes enseigna de: “n’admettre pour vraies que les idées claires et distinctes.”

    Comment faire pour injecter la Raison dans les “processus de pensée” de nos sociétés contemporaines en état d’inertie mentale due à un corpus de croyances hors-temps?

    Il incombe à nos (العلماء) et aux penseurs en sciences humaines de déconstruire le “Mindset islamique” de notre société pour le refonder sur d’autres paradigmes.

    De l’essence et la substance du (الحلال و الحرام).

    Dans les sourates des (الحدود) que vous avez citées, iĺ y a le (حد) qui stipule de couper la main du délit de vol.

    Quoi faire quand les milliards s’évaporent par l’usage du bout de doigt sur le clavier d’un ordinateur?

    Faut-il revoir ce “principe fondamental" que l’”Etat doit absolument respecter” pour recréer un vivre-ensemble?

    Quatre siècles, après le plaidoyer de Descartes pour le triomphe de la raison, un clignotement d’oeil dans l’échelle des temps de l’histoire de l’homme, la masse de connaissances accumulées, de savoirs engrangés, de progrès réalisés surpassent tout ce qu’a produit de connu l’esprit homo-sapiens depuis son origine.

    Aujourd’hui, l’érudition d’un seul homme ne suffit plus pour acquérir ni posséder la totalité des savoirs comme au temps révolu des civilisations hydraulico-agraire. Les savoirs se déclinent à notre époque comme sur la carte-menu d’un restaurant où il est vain de chercher à goûter les saveurs de tous les plats et encore moins en découvrir la recette.
    « L’épistémologie non-cartésienne est par essence, et non par accident, en état de crise » disait Bachelard.

    Grâce à la raison et la promotion de la science se concrétisent les perspectives du plein accomplissement de l’humanité et l’odyssée formidable n’est qu’à ses premiers balbutiements.

    Nul homme ne détient la Verité, comme disait Socrates, “je ne sais qu’une chose c’est que je ne sais rien”, je revendique mon ignorance et je cultive mon étonnement, que notre débat soit large, ouvert et constructif, et que nous soyons tous bons, généreux, et heureux.

    Kaci-la-merveille

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