Depuis le 22 février, l’Algérie
est entrée dans une période révolutionnaire qui fondera un nouveau régime. La
période révolutionnaire est une phase durant laquelle s’exprime un changement de
légitimité demandé par l’ensemble de la société que la violence d’Etat ne
pourra pas neutraliser.
Pour des raisons historiques, l’Etat algérien et ses
institutions tirent leur autorité de l’armée qui a toujours coopté les élites
civiles soit dans le cadre du système du parti unique avant 1988, soit dans le
cadre d’élections truquées après 1992. C’est ainsi que la hiérarchie militaire choisit
le président, tandis que son instrument politique, le DRS, façonne le champ
politique en noyautant les partis d’opposition, les syndicats, la presse, etc.
pour les soumettre à la règle non écrite du système : l’armée est seule
source du pouvoir et seule instance de légitimation. Dans un tel schéma,
l’autorité du président ne provient pas de la légitimité électorale mais plutôt
du soutien de l’armée qui l’aura désigné pour faire fonction de chef d’Etat.
Même si la constitution lui donne des prérogatives de chef d’Etat, dans les
faits le président ne fait qu’entériner les orientations décidées par la
hiérarchie militaire. La présidence est l’institution par laquelle transitent
les décisions prises au ministère de la défense, appliquées par les ministères et
justifiées par les partis de l’administration, FLN et RND. Pour la hiérarchie
militaire, il est crucial de choisir un président docile et obséquieux qui
accepte ce schéma car sa hantise est de se retrouver face à un Erdogan qui lui
enlève le pouvoir de légitimation.
L’histoire montre que sur
les quatre présidents après la mort de Boumédiène, deux ont été poussés à la
démission brutale après menace physique, (Chadli Bendjedid et Liamine Zéroual)
et un a été assassiné (Mohamed Boudiaf). Si Bouteflika est depuis 20 ans en
fonction, c’est parce qu’il a accepté la suprématie du militaire sur les
institutions, tout en manœuvrant pour essayer d’opposer des généraux les uns
contre les autres. En 2003, le DRS lui avait interdit de s’adresser directement
aux Algériens, suite à un discours où il avait dit que « 14 généraux
contrôlaient le commerce extérieur ». C’était indigne d’un président qui
parlait comme un citoyen ordinaire qui se plaignait dans un café à Alger. La
propagande selon laquelle Bouteflika s’était imposé aux généraux provient du
DRS dont la tâche est de montrer que les généraux sont sous les ordres d’un
président devenu autoritaire. Il s’agissait de cacher le mécanisme
d’appropriation de la légitimité par la hiérarchie militaire qui n’a jamais été
aussi puissante que sous Bouteflika. Que la famille de Bouteflika et ses amis
se soient enrichis, ce n’est pas étonnant dans un pays où la justice n’est pas
autonome. Mais le pouvoir, ce n’est pas la capacité de voler l’argent de
l’Etat. Il faut savoir qu’en Algérie, le président (et c’est encore plus vrai
pour Bouteflika) n’a pas le droit de promouvoir des officiers supérieurs et de
s’immiscer dans l’équilibre de la hiérarchie militaire, de chercher à résoudre
la question du Sahara occidental, de définir les relations avec la France. Ce
n’est pas lui qui désigne le premier ministre, ni les ministres des affaires
étrangères, de l’intérieur et de la justice. La répartition de la rente
pétrolière dans le budget de l’Etat entre les différents ministères ne relève
pas de sa responsabilité. La lourde maladie de Bouteflika depuis 2013 est une
preuve supplémentaire que le président algérien n’a qu’un rôle symbolique. Il
est une poupée, rendue pathétique par la maladie, entre les mains de décideurs
qui se réunissent régulièrement pour évaluer la situation politique du pays et
qui prennent des décisions envoyées à la présidence pour application. Les
dernières mesures annoncées lundi 11 mars ne pouvaient être prises par une
personne à peine consciente de son état.
Cette structure politique
de l’Etat a atteint ses limites avec une société plus exigeante et plus
cultivée. Les jeunes générations n’acceptent plus que leur Etat soit dirigé par
des structures clandestines dépendant du ministère de la défense. Elles mettent
en avant le projet de Abbane Ramdane, et pour lequel il a été tué, et celui du
Congrès de la Soummam, en exigeant la primauté du civil sur le militaire. A
cette demande, les généraux leur répondent par la ruse : extension du 4èm
mandat et transition menée par des civils porte-parole des généraux. Si la
politique, dans tous les pays, est 80% de compromis, 10% de ruse et 10% de
violence, pour les généraux algériens, la politique c’est 48% de ruse, 48% de
violence et 4% de compromis. Mais cette fois-ci, les jeunes manifestants ne
rentreront chez eux que lorsque le changement de légitimité s’opèrera. Ils ont
avec eux l’histoire, la société et même une partie de l’armée qui ne se
reconnaît pas dans les choix politiques des généraux. Ils veulent un changement
de légitimité de l’autorité publique et rien ne les arrêtera jusqu’à la
satisfaction de cette demande. Ils obligeront les généraux à ne plus choisir le
président et les députés à leur place.
Les jeunes manifestants
ne sont pas contre l’armée, et ils voudraient être fiers d’elle. C’est le sens
du slogan « djeich chaab khawa khawa ». Ils veulent une armée moderne,
républicaine, épurée de généraux faiseurs de rois. Ils veulent une armée qui obéisse à
l’autorité civile exercée par des élus du peuple. Les jeunes manifestants ont
montré plus de maturité que les généraux lorsqu’ils crient que l’armée
appartient au peuple et non à une hiérarchie militaire qui a donné naissance à un
régime corrompu.
L’Algérie est entrée dans
une phase révolutionnaire qui rappelle les révolutions française, russe et
iranienne. C’est une révolution de changement de légitimité et l’ancien régime
ne peut s’y opposer ou la détourner. Si des généraux font l’erreur d’utiliser
la force pour réprimer des manifestants, l’unité de l’ANP serait en péril parce
que de nombreux officiers sont au diapason avec la jeunesse. Il vaut mieux que
le régime ne s’oppose pas la demande de changement de légitimité des
institutions de l’Etat. A cette fin, les décideurs doivent accepter le
caractère public de l’autorité de l’Etat. Ils doivent demander à celui qui fait
fonction de président aujourd’hui de démissionner et de nommer une instance de
transition qui exerce les fonctions de chef d’Etat. Mustapha Bouchachi, Zoubida
Assoul et Karim Tabbou devraient être sollicités pour exercer les prérogatives
d’une présidence collégiale qui nommera un gouvernement provisoire qui gérera
les affaires courantes et préparera les élections présidentielle et législative
dans un délai de 6 à 12 mois. Les généraux doivent aider à a réalisation de ce
scénario et se dire une fois pour toute que l’armée appartient au peuple et non
l’inverse.
Paru dans TSA le 14 mars 2019
Paru dans TSA le 14 mars 2019
الدينامية الثورية وتغيير
الشرعية في الجزائر
دخلت الجزائر منذ 22 فيفري، مرحلة ثورية ستٌأسس لنظام حكم جديد.
المرحلة الثورية هي طورٌ يتم خلاله التعبير، من طرف كامل المجتمع، عن تغيير
للشرعية لا يقوى عنف الدولة على إسكاته. لأسباب تاريخية، استمدت الدولة الجزائرية
ومؤسساتها سلطتها من الجيش، الذي عمل دائما على استقطاب النخب المدنية، في إطار
نظام الحزب الواحد قبل 1988 ثم في إطار الانتخابات المزورة بعد 1992. على هذا
النحو، تقوم قيادة الجيش باختيار الرئيس، في حين تقوم أداتها السياسية، ممثلة في مديرية
الاستعلام والأمن (DRS)، بصوغ الحقل السياسي عن طريق اختراق أحزاب المعارضة، النقابات،
الصحافة ...الخ، لأجل إخضاعها للقاعدة الضمنية وغير المكتوبة للنظام: الجيش هو
وحده مصدر السلطة، وهو الجهة الوحيدة المانحة للشرعية.
ضمن مخطط كهذا، فإن سلطة الرئيس لا
تأتي من الشرعية الانتخابية بل من الدعم الذي يتلقاه من الجيش الذي عيّنه لشغل منصب
رئيس الدولة. ورغم ما يمنحه الدستور لهذا الأخير من صلاحيات مرتبطة بالمنصب إلا أن
الرئيس في الواقع، لا يقوم إلا بإقرار التوجهات التي وضعتها القيادة العسكرية
العليا. ليست الرئاسة سوى المؤسسة التي تمرّ عبرها القرارات المتخذة في وزارة
الدفاع، لتكلف مختلف الوزارات فيما بعد بتطبيقها وتعمل أحزاب الإدارة،( جبهة
التحرير الوطني والتجمع الوطني الديمقراطي)، على تبريرها. لذا فإنه من الأهمية بما
كان، بالنسبة للقيادة العسكرية العليا، أن تختار لمنصب الرئيس شخصا مطيعا وخاضعا على
استعداد تام لقبول هذا المخطط، وأكثر ما تخشاه هو أن تجد نفسها في مقابل أردوغانٍ
يسلبها سلطة منح الشرعية.
يُبين التاريخ كيف أنه من مجموع أربعة رؤساء
تقلدوا المسؤولية بعد بومدين، اثنان منهم أجبرا على الاستقالة بعد أن تعرضا للتهديد
الجسدي (الشاذلي بن جديد واليامين زروال) في حين تعرض واحد منهم للاغتيال (محمد
بوضياف). أما بقاء بوتفليقة في المنصب لعشرين سنة، فيعود لقبوله هيمنة العسكري على
المؤسسات، مع سعيه الدائم إلى محاولة ضرب الجنرالات ببعضهم البعض.
في 2003، وبعد أن صرح في إحدى خطاباته
بأن "14 جنرالا يسيطرون على التجارة الخارجية"، قامت مديرية الاستعلامات
والأمن (DRS) بمنع بوتفليقة من مخاطبة الجزائريين مباشرة. لم
يكن ذلك التصريح يليق برئيس، لقد تكلم مثلما يتكلم أيّ مواطن عادي شاكيا وهو يجلس
في إحدى مقاهي العاصمة. في الحقيقة، إن الدياراس هي الجهة التي تقف وراء تلك
الدعاية التي روجت ومفادها أن بوتفليقة نجح في فرض نفسه على الجنرالات. لم تكن
مهمة مديرية الاستعلام والأمن سوى إظهار الجنرالات وكأنهم واقعون تحت أوامر رئيس تحوّل
إلى متسلط، بهدف إخفاء والتغطية على آليات حيازة الشرعية من طرف القيادة العسكرية
العليا، التي لم يسبق لها وأن كانت بالقوة التي صارت تتمتع بها تحت حكم
بوتفليقة.
في بلد لا تتمتع فيه العدالة
بالاستقلالية، لا يعتبر تجميع عائلة وأصدقاء بوتفليقة لثروات طائلة أمرا غريبا
ومفاجئا، كما أن القدرة على سرقة أموال الدولة ليس هو السلطة ولا يعني كذلك امتلاك
السلطة. وجب إدراك أن الرئيس في الجزائر (بوتفليقة على وجه خاص) لا يحق له ترقية
الضباط السامين والتدخل في توازنات القيادة العسكرية، أو السعي إلى إيجاد حلّ
لمسألة الصحراء الغربية، أو رسم السياسات مع فرنسا. ليس هو أيضا من يعين الوزير
الأول، ولا وزراء الخارجية، الداخلية والعدالة. كما أن توزيع الريع البترولي في
ميزانية الدولة بين مختلف الوزارات يقع خارج إطار مسؤوليته.
إن الحالة المرضية الثقيلة لبوتفليقة
منذ 2013 دليل إضافي على أن الرئيس الجزائري لا يتمتع إلا بدور رمزي. هو مجرد دمية
-أصبحت مدعاة للشفقة بسبب المرض- بين أيدي صناع القرار الذين يجتمعون بانتظام
لتقييم الوضع السياسي في البلد ويتخذوا قرارات ترسل فيما بعد إلى الرئاسة قصد تطبيقها.
لا يمكن أبدا للإجراءات الأخيرة التي أعلنت الاثنين 11 مارس
أن تكون قد اتخذت من قِبل شخصٍ يعي بالكاد حالته.
هذه البنية السياسية للدولة قد بلغت
حدودها القصوى أمام مجتمع أصبح أكثر تطلبا وتعليما. من الآن فصاعدا، لم
يعد بالإمكان أن تقبل الأجيال الصاعدة بتسيير الدولة من طرف دوائر خفية مرتبطة بوزارة
الدفاع. إنها تريد تطبيق مشروع عبان رمضان الذي دفع حياته ثمنا له، و ميثاق مؤتمر الصومام
الذي ينص على أولوية المدني على
العسكري.
رد الجنرالات على هذه المطالب بمحاولة التحايل عليها وهذا بتمديد العهدة
الرابعة واقتراح مشروع تحول يقوده شخصيات
مدنية يتحدثون باسم الجنرالات. إذا كانت السياسة في كل دول العالم عبارة عن 80 % من التوافق،
و 10% من
الحيلة، و 10% من العنف، فإنها لدى الجنرالات الجزائرية
مقسمة كما يلي: 48 % حيلة، 48 % عنف، و الباقي توافق.
ولكن هذه المرة، لن يعود الشباب
المتظاهرون إلى بيوتهم إلا بعد تغيير
الشرعية، ويقف معهم التاريخ، المجتمع
وجزء من الجيش الذي لا يوافق على الخيارات السياسية للجنرالات. إنهم يريدون
تغيير في شرعية السلطة العمومية ولا شيء بإمكانه أن يمنعهم من تحقيق هذا الهدف ؛ سيجبرون
الجنرالات على التوقف عن اختيار الرئيس والنواب بدل الشعب. إن الشباب المتظاهرين
ليسوا ضد المؤسسة العسكرية، بل يريدون أن يصبحوا فخورون بها، و هذا ما عبر عنه
شعار '' ديش شعب، خاوة خاوة ''. إنه يريدون جيشا عصريا، جمهوري، مُطهر من
الجنرالات صناع الملوك. يريدون جيشا يخضع
للسلطة المدنية التي يمارسها منتخبو
الشعب. الشباب المتظاهرون أظهروا نضجا أعلى من نضج الجنرالات، حينما هتفوا بأن
الجيش ملك للشعب وليس ملكا للقيادة العسكرية التي صنعت نظاما سياسيا فاسدا.
دخلت الجزائر في مرحلة ثورية تذكرنا
بالثورة الفرنسية، الروسية والإيرانية. إنها ثورة لتغيير الشرعية السياسية،
والنظام السياسي القائم لا يمكنه تحويلها أو الوقوف في وجهها. إذا أخطأ الجنرالات
واستخدموا العنف ضد المتظاهرين، فإن وحدة صف الجيش سوف تتعرض للخطر لأن الكثير من
الضباط يقفون في صف الشباب المتظاهر. سيكون من الأفضل أن لا يقف النظام ضد مطالب
تغيير شرعية مؤسسات الدولة. لهذا الغرض، يجب على أصحاب القرار أن يقبلوا بالطابع
العمومي للسلطة الدولة، و يطلبوا من الجهة التي تمارس مهام الرئيس أن تستقيل فورا، ليتم تعيين هيئات انتقالية تمارس
وظيفة رئاسة الدولة. إن شخصيات مثل زبيدة عسول، مصطفة بوشاشي، كريم طابو مدعوة
لأن تشارك في ممارسة صلاحيات هيئة رئاسية
جماعية تقوم بتشكيل حكومة مؤقتة لتصريف الأعمال وتحضر لانتخابات رئاسية وتشريعية بين
فترة زمنية تتراوح بين الستة أشهر إلى سنة. يجب أن يساعد الجنرالات في تنفيذ هذا
السيناريو، وأن يعلنوا للمرة الأخيرة بأن
الجيش ملك للشعب وليس العكس.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire