vendredi 14 juin 2019

L’Algérie ou les limites de la démocratie de façade




(Cet article est destiné à des étudiants en sciences sociales, en particulier sciences politiques et économie. Il a été écrit en vue d'un ouvrage collectif sur le monde arabe à paraître en anglais).
 
La contestation populaire qui a commencé le 22 Février 2019 en Algérie a surpris beaucoup d’observateurs de la région nord-africaine. De grandes manifestations rassemblant des centaines de milliers de personnes ont eu lieu sur tout le territoire national pour s’opposer au 5è mandat du président Abdelaziz Bouteflika malade depuis 2013. Au fil des semaines, la protestation s’est radicalisée en demandant un changement de système. Pour comprendre ce mouvement populaire sans précédent, il faut rappeler que le régime a suscité de l’hostilité de la population pour son incapacité à sortir l’économie de la logique rentière et son obstination à frauder les élections. Les contradictions de l’économie rentière et le refus d’une participation politique réelle ont créé les conditions de la rupture entre le régime et a population.

vendredi 24 mai 2019

La revanche posthume de Ferhat Abbas





La contestation populaire du 22 février est une lame de fond qui vient des profondeurs de la société. Elle est à mettre dans le contexte historique de la formation de la nation et des idéologies qui ont marqué son combat pour l’indépendance. Après 90 ans de révoltes tribales qui avaient échoué face à la puissance de feu de l’armée coloniale, l’Algérie du début du 20èm siècle s’était mise au discours politique moderne. Il était formulé par trois courants idéologiques différents : le populisme radical du PPA-MTLD, issu de l’Etoile Nord-Africaine (ENA), incarné par Messali Hadj, le culturalisme identitaire des Oulémas, représenté Abdelhamid Ben Badis, et enfin le réformisme institutionnel de la Fédération des Elus Indigènes qui deviendra plus tard l’UDMA dirigé par Ferhat Abbas. Au-delà de leurs divergences et de leurs rivalités, ces trois leaders sont les pères de la nation algérienne. Dans sa diversité idéologique, le nationalisme algérien s’est cristallisé dans le rejet du Code de l’Indigénat qui faisait des Algériens des étrangers dans leur pays. En combattant ce code scélérat, ces trois courants ont forgé, chacun à sa manière, la grammaire politique du nationalisme algérien, formant des élites qui ont porté les aspirations de la société à la dignité et à l’égalité. Leurs différences politico-idéologiques sont à mettre en rapport avec leur ancrage sociologique. Le PPA-MTLD puisait son énergie dans les couches pauvres hostiles à tout compromis avec les autorités coloniales. L’Association des Oulémas, regroupant des citadins lettrés en arabe, était soucieuse de préserver l’islam et la langue arabe menacés par la domination française. La Fédération des Elus, devenue plus tard UDMA, réunissait l’élite sociale indigène qui aspirait à l’indépendance par les urnes et sans confrontation violente avec la France. 

jeudi 16 mai 2019

Les super Algériens et les autres



Le régime algérien n’a pas changé et, malgré des discours contradictoires, il ne donne pas de preuve de volonté de changement. En voici la démonstration.
Le monopole de l’activité politique est exercé par le Commandement militaire, ce qui signifie qu’en dehors du cadre tracé par celui-ci, il est interdit de faire de la politique. C’est au nom de cette règle non écrite (qu’ils ont eux-mêmes appliquée aux Algériens) que les ex-généraux Médiène et Tartag ont été arrêtés et présentés à un juge militaire avec le chef d’inculpation « d’atteinte à l’autorité militaire ». Quel crime ont-ils commis ? Avoir recherché une solution politique à la crise en rencontrant un ancien président de la république en dehors de l’autorisation du Commandement militaire. Kasdi Merbah n’a-t-il pas été assassiné pour avoir tenté de trouver une solution négociée avec le FIS dissous en dehors des directives du Commandement militaire ? Il n’a même pas eu la chance, comme Médiène et Tartag, d’être entendu pas un juge militaire. Médiène et Tartag subissent une règle qu’ils ont eux-mêmes fait subir à des Algériens qui étaient exécutés par « des terroristes » et non convoqués par un juge militaire.
Quant à Louiza Hanoune, pour le Commandement militaire, son rôle est de jouer à l’opposition formelle. Dès lors qu’elle sort de ce rôle et veut être une actrice politique réelle et autonome, elle suscite le courroux du Commandement militaire pour qui elle est une ingrate. Le Commandement militaire n’a-t-il pas donné à son parti des sièges à l’Assemblée nationale au-delà de son ancrage électoral dans la société ? « Et maintenant, elle nous poignarde dans le dos » disent les généraux.
La morale est qu’il y a des super-Algériens qui font la politique (les généraux) et des Algériens ordinaires qui n’ont pas ce droit. En partant à la retraite, Médiène et Tartag ont cessé d’être des super-Algériens pour être des Algériens tout court. Mais cette culture finira par changer grâce à la puissance symbolique des grandioses manifestations pacifiques.  





جزائريون وجزائريون فوق العادة



النظام الجزائري لم يتغير، ورغم الخطابات المتناقضة، إلا أنه لا يقدم اي دليل على وجود إرادة حقيقية في التغيير، وإليكم ما يثبت ذلك.
يلاحظ استمرار احتكار الممارسة السياسية من طرف القيادة العسكرية، مما يعني أنه يُمنع ممارسة السياسة خارج الأطر التي حددتها هذه القيادة، باسم هذه القاعدة غير المكتوبة، تم إحالة كل من الفريق مدين والجنرال طرطاق - اللذان كانا أول من مارسها على الجزائريين  - على القضاء العسكري بتهمة ''المساس بسلطة الجيش''. أية  جريمة ارتكباها؟ قاما بالبحث عن حل للأزمة السياسية الحالية بلقاء رئيس سابق دون ترخيص مسبق من طرف القيادة العسكرية. ألم يتم اغتيال قاصدي مرباح فقط لأنه حاول إيجاد مخرج للأزمة عبر التفاوض مع الجبهة الإسلامية للإنقاذ خارج توجيهات القيادة العسكرية؟ مرباح لم يحظ حتى بفرصة سماعه من طرف القاضي العسكري على غرار مدين.
طرطاق وتوفيق يواجهان اليوم قاعدة  عرفية كانا هما أول من أخضع الجزائريين لها، الذين كانوا يعدمون ''كالإرهابيين''  بدل استدعائهم وسماعهم من طرف القاضي العسكري.
أما فيما يتعلق بقضية لويزة حنون، فهي في نظر القيادة العسكرية، تجاوزت الدور الذي يُمنح عادة للمعارضة الشكلية. فمنذ اللحظة التي تخرج فيها عن الإطار المرسوم لها، وتحاول أن تلعب دور الزعيم السياسي المستقل فإنها ستثير غضب  القيادة العسكرية وتصبح شخصا ناكرا للجميل في نظرها. ألم تمنح لها القيادة العسكرية مقاعدا غير مستحقة في البرلمان؟ لماذا اليوم تطعننا في الظهر؟ يتساءل الجنرالات..
المزاج العام يقول ثمة جزائريون فوق العادة يمارسون السياسة (وهم الجنرالات). وجزائريون عاديون لا يتمتعون بهذا الحق. توفيق مدين وطرطاق فقدا صفة الجزائري فوق العادة مباشرة بعد إحالتهما على التقاعد.
ولكن، هذه الثقافة السياسية سينتهي بها الأمر إلى الزوال بفضل الرمزية العظيمة للحراك السلمي..